Les Editions de l'Avenue

Association culturelle littéraire

Béninoiseries à savourer

Littérature jeunesse > ISBN : 978-2-916684-06-2

[...]

Tito avait été traumatisée, tout au long de son enfance, par le trafic d'esclaves qu'avaient pratiqué ses parents. Ils étaient morts à présent, mais elle restait marquée par cette expérience douloureuse. A force de voir et de partager le quotidien d'esclaves maltraités, elle avait perdu sa joie de vivre et son sourire.
C'était pourquoi, dès qu'elle rencontrait une personne heureuse, elle n'avait plus qu'une idée en tête : lui voler son sourire tant elle l'enviait de ne plus sourire elle-même.
Cela faisait des mois qu'elle sévissait dans la région. Elle avait, à ce jour, volé plus de vingt sourires, de quoi sourire vingt jours durant…
Soudain, un faisceau de lumière interrompit ses pensées et éclaira sa case. Elle eut néanmoins juste le temps de s'aplatir sur le sol et attendit, haletante. C'était Fiacre qui, équipé d'une lampe de poche, avançait dans l'allée. Que faisait-il là ? La soupçonnait-il ? Non, impossible ! Il ne détenait aucune preuve. Alors pourquoi s'était-il autant éloigné de sa case à cette heure tardive de la nuit ?
Quelques minutes s'écoulèrent. De son côté, Fiacre, qui habitait le même village que Tito, se posait un certain nombre de questions. Pourquoi avait-elle ce comportement ? Pourquoi se cachait-elle ? Pourquoi ne voulait-elle pas le voir ? De quoi pouvait-elle avoir peur ? A moins que… Non, ce n'était pas possible ! Ce ne pouvait être elle ! Il fallait qu'il en eût le cœur net.
Il s'approcha donc encore plus près de la case et fut ébloui par la lumière qui s'alluma d'un seul coup. Il éteignit sa lampe de poche, respira profondément et frappa à la porte.
A contrecœur, ne désirant pas voir Fiacre à ce moment précis, Tito ouvrit la porte. Elle le pria d'entrer et ne lui offrit pas un verre de sodabi, afin qu'il se sentît mal à l'aise au point de repartir au plus vite. Ce qu'il fit assez rapidement…
Tito, en refermant la porte, respira enfin ; se croyant en sécurité, elle s'empara du masque à sourire et sortit, après avoir éteint la lumière. Au bout de quelques pas, au moment où elle allait tourner au coin de l'allée, elle entendit dans son dos :
– Tito ? C'est bien toi ? Mais où vas-tu donc si pressée ?
Horrifiée, elle s'arrêta et ne répondit pas tout de suite.
– Mais que caches-tu là ?
A cet instant, elle ne put contenir son émotion. Elle laissa tomber le masque à terre qui se brisa en libérant dans le même temps tous les sourires emprisonnés.
– Alors c'est donc toi la voleuse ! Je n'arrive pas à y croire !
Aucun son ne sortit de sa bouche.
– J'entends encore cette pauvre femme dont le mari vient de perdre son sourire ! Je vais t'emmener voir le chef du village qui te jettera sans pitié aux crocodiles !
Cette fois-ci, Tito retrouva sa voix :
– Je t'en prie, non ! Aie pitié de moi. Si vous me condamnez, personne ne pourra retrouver son sourire et ils mourront tous. Laisse-moi une chance… Je te promets de tout faire pour le leur rendre. Je trouverai un moyen !
– Bon, je te laisse jusqu'à la prochaine lune.
Soudain, les rires sarcastiques des masques retentirent dans l'allée, juste derrière eux. Tito et Fiacre se retournèrent et les virent s'éloigner à toute vitesse.

[...]