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On entend soudain une respiration saccadée d'enfant. Il court dans la jungle comme s'il fuyait un danger. Qui est-il ?
C'est Samba, le petit garçon du chasseur âgé de six ans. Cet après-midi, en rentrant de l'école, il a malencontreusement cassé le vase préféré de sa maman.
- Tu vois Samba, ce vase vient de mon arrière grand-mère. Je le laisse sur la commode car je te fais confiance. Tu feras attention n'est-ce pas ?
- Oui maman.
- Si d'aventure tu me le cassais, tu recevrais la correction du siècle, tu m'entends ?
- Oui maman.
- Papa et moi on ne te le pardonnerait jamais ! C'est compris ?
- Oui maman.
- Ne sais-tu pas dire autre chose, non ? Oui maman, oui maman... Tu manques d'originalité !
- Oui maman.
- Sors d'ici tu es trop bête !
Il court très vite, enjambe les herbes coupantes, évite les ornières et se fie à sa mémoire olfactive et visuelle.
- Fiston, quand je te fais signe, tu t'allonges sur le sol. Tu ne respires plus. Tu m'entends ?
- Oui papa.
- Même si c'est un lion, tu domines ta peur, tu ne cries pas. D'accord ?
- Oui papa.
- On ne risque rien. J'ai mon fusil, des munitions, mon grand couteau et le signal de détresse. Je ne veux pas t'entendre, sinon, je ne t'emmène plus. C'est bien compris ?
- Oui papa.
Ce que le papa ne dit pas, c'est que Samba n'aime pas la chasse. Il adore se promener, guetter, observer la jungle mais certainement pas tuer les animaux dont il se sent très proche.
Samba ralentit sa course, grâce à sa torche, il reconnaît le gros arbre au pied duquel il pique-niquait avec son papa. Il décide de faire sa première halte. Il est soucieux, les « oui maman » et les « oui papa » lui reviennent en tête, les cris de ses parents, leurs menaces... il n'est vraiment pas compris ! Quelques larmes lui picotent les yeux. Il ravale son chagrin. Même s'il fait nuit, qu'il a un peu froid, qu'il est seul et triste, il ne veut pas pleurer.
Un bruit inhabituel se fait entendre juste derrière le gros arbre. Samba se concentre avant de bouger - comme le lui appris son père - pour analyser des indices : la respiration, son rythme, les bruits alentours... Puis il s'approche tout surpris par ce qu'il découvre. Un petit panda adorable, couleur miel, tente de sortir du piège dans lequel il est tombé. Mais plus il s'agite, plus il accentue la blessure à sa patte gauche. Samba se veut rassurant :
- Du calme, petit chut !... Je vais te sortir de là. Ne t'agite pas.
Le petit panda effrayé par la lueur de la torche se secoue violemment comme s'il voulait fuir.
- N'aie pas peur. Je veux être ton ami. Arrête de bouger. Je vais desserrer le piège et te soigner. J'ai ce qu'il faut dans mon sac.
Le petit panda apaisé par le ton de voix amical de Samba se calme et se met à parler :
- Merci de ton aide !
C'est au tour de Samba de faire un bond en arrière et d'être étonné :
- Ma parole, tu parles ! C'est incroyable ! Dis encore quelque chose...
- Je m'appelle Bambou et j'ai très peur.
- Ça alors ! Ne t'inquiète pas. Je vais te soigner. Après nous partagerons un morceau de pain.
Une confiance s'installe entre eux.
- Coucou les amis !
- Qui va là ? sursaute Samba.
- Nous, les singes ! Là ! Dans l'arbre ! Lève la tête !
Samba et Bambou s'exécutent.
- Moi c'est Coupa.
- Moi Cacao.
- Ma parole, mais vous aussi, vous parlez ! Pourquoi n'avez-vous pas porté secours à notre ami le panda ?
- Nous ne sommes pas aussi courageux que toi. Mais ne t'inquiète pas nous aurions donné l'alerte en poussant des cris.
- C'est pas avec des cris que l'on soigne une blessure.
- Nous, on aurait pu l'aider !
Trois serpents, la tête levée, regardent amicalement Samba, Bambou, Coupa et Cacao.
- On se présente. Je m'appelle Saucisse, j'ai souvent faim ; lui c'est Scepticisme, qui doute toujours de tout et lui Silence, parce qu'il se tait. On peut devenir amis ?
- D'accord ! crient tous les animaux en choeur.
La nuit envahit la jungle.
Les bruits s'endorment. Les odeurs s'apaisent et chacun se met à l'aise pour s'assoupir. Les singes Coupa et Cacao enroulent leur queue autour d'une branche et s'installent la tête en bas.
- Dis maman on doit toujours dormir comme cela ? Le sang va me monter à la tête !
Sa maman glousse.
- Ne te tracasse pas petit sot. On est fait comme ça, notre corps est habitué. S'il y a le moindre danger, un bruit étrange, on est prévenu sans être inquiété. Les singes dorment ainsi depuis des générations et des générations...
Samba a tapi le sol autour de l'arbre de feuilles mortes et de fleurs séchées.
- Bonhomme, si un jour tu étais coincé en pleine jungle, il faut que tu saches installer ton couchage. Un homme fatigué est en danger au milieu de cet environnement. Tu rassembles un maximum de feuilles de façon à relever légèrement ta tête. Tu fais attention en remuant tout cela, d'autres animaux te guettent dans le sol. Sans précipitation tu prépares ton lit de feuilles. Tu t'installes sur le côté - dos au tronc - et tu gardes ta main posée sur ton couteau...
Tout est prêt. Il a convenablement écouté les conseils paternels. C'est un bon fils. Bambou, un peu handicapé par sa patte blessée, se met au pied de son sauveur et lui tient chaud. Samba est seul mais heureux.
Saucisse, Scepticisme et Silence s'enroulent autour du tronc de l'arbre. Ils veulent monter la garde et prendre soin de leurs nouveaux amis. Les respirations deviennent régulières et les bruits s'estompent.
Pourtant, au bout de quelques minutes, de légers bruissements de feuilles donnent l'alerte. Un déplacement discret mais réel se fait entendre et se dirige vers Samba et Bambou.
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