Les Editions de l'Avenue

Association culturelle littéraire

Mi-jour Minoui...

Littérature jeunesse > ISBN : 978-2-9515735-4-3 / Juin 2004

[...]

Une petite fille prénommée Minoui écrit avec application une phrase sur le tableau noir de sa classe. Il n'y a aucun bruit autour d'elle, les autres élèves doivent être silencieux. La maîtresse s'est assise à la place d'un enfant absent et elle regarde Minoui avec attention. Elle a une longue craie toute neuve dans la main droite, elle approche l'angle de l'objet et démarre le « M ». Deux formes élancées montent sur le tableau tout propre. La craie crisse, le silence se brise.
- Aie...
- Casse ta craie Minoui, s'il te plaît.
La petite n'a pas terminé sa majuscule. Elle s'interrompt, se tourne vers ses camarades et leur sourit. Juste pour détendre l'atmosphère ! Mais en face d'elle, soixante yeux gardent leur sérieux alors elle fait demi-tour et armée de sa demie craie, elle poursuit. Plus de crissement, un « M » aussi beau qu'à la maison.
- Regarde comme Minoui a fait des progrès, c'est incroyable comme son écriture a évolué.
- Elle est toujours droitière ?
- Ecoute, cela me trouble, mais je la vois souvent écrire des deux mains ! Elle démarre avec la gauche puis, quand cela l'arrange, elle continue avec la droite.
- Ah bon ? Elle est ambidextre alors ? Comme sa cousine ?
- Peut-être...
Minoui pince ses lèvres pour former du mieux qu'elle peut la phrase qu'elle doit écrire. La maîtresse a épelé l'orthographe puis a demandé à l'ensemble de la classe :
- Est-ce que quelqu'un veut venir l'écrire au tableau ?
- Minoui, il faudrait que tu sois moins timide. Tu dois prendre ta place dans la classe, participer davantage et lever le doigt dès que tu connais la réponse !
- J'ai un peu peur. Je ne connais pas tout le monde et la maîtresse ne sait pas encore tous les prénoms.
- Justement ! Fais-toi remarquer !
- Très bien. Quel est ton prénom ?
- Minoui, maîtresse.
- Alors va au tableau. Tu l'écris en mettant ton prénom. C'est bien d'avoir osé.
Lentement, elle s'était avancée vers le bureau de la maîtresse. Elle avait enjambé deux cartables éventrés dans l'allée centrale, failli déraper sur un bout de gomme et avait trébuché sur une trousse béante.
- Les autres, vous pourriez ranger vos affaires. Vous avez déjà oublié les consignes de début d'année. Ma parole, vous êtes tous amnésiques !
Minoui avait continué d'avancer en se concentrant sur son rôle à remplir. La craie toute neuve... Au fait quelle main prendre ? Elle savait écrire avec les deux. Quand sa soeur l'agaçait, elle lui donnait un coup de règle de la main droite et continuait d'écrire avec la gauche ou vice-versa. Et à présent ? Elle rassemble ses esprits : sa voisine écrit avec la main droite et la maîtresse aussi. Alors elle s'empare de la craie de la main droite, puis... la casse en deux, finit sa majuscule et poursuit.
Minoui a peur...
- Très bien Minoui. Evidemment pas d'accent sur le « a ». Pourquoi ?
Ouf ! Une courte pause pour détendre le bras qui écrit. Il est ankylosé : le trac peut-être ?
- Parce que c'est l'auxiliaire avoir.
- Bravo ! Je te félicite. Ce n'est pas encore dans notre programme, c'est très bien. Tu as de bonnes bases.
- Continue Minoui.



Minoui a peur dans le noir...



- Très bien continue.
Elle sent son ventre qui gargouille. Elle n'a pas beaucoup mangé ce matin. Elle avait fait un drôle de rêve et même lorsque le réveil avait sonné, et que la réalité avait ressurgi, il y avait eu quelque chose de bizarre dans l'atmosphère...
- Debout ! Papa et maman ont fini leur déjeuner et j'ai donné des graines au hamster. Vite, il faut te préparer.
Evidemment, dans ces conditions, elle n'avait pas eu le temps de manger ses céréales préférées et Ziou, sa soeur, passerait encore une heure dans la salle de bains à contempler son faciès et il faudrait partir en trombe à l'école.
Pourtant, elle ne peut pas s'empêcher de revisiter ce rêve de la nuit dernière. L'action se déroule dans la forêt des Mystères, celle qui longe la colline verte bordée de coquelicots sauvages...



Minoui a peur dans le noir de la nuit...



Et c'est bien normal d'avoir peur, parce que la nuit évoque souvent ce rêve dans le château du Comte et de la Comtesse de Minoui. Souvent, elle retournait dans ce passé onirique et elle voyait parfaitement ce drôle de château qui avait deux faces : une au nord, toujours plongée dans la nuit, l'autre au sud, au soleil et en plein jour. Les habitants dormaient au nord et vivaient au sud. La vie s'était bien organisée dans ce lieu coupé en deux. La partie nord toujours plongée dans un silence inquiétant...



Minoui a peur dans le noir de la nuit...



Parce qu'elle sait qu'à tout moment, les robots de type W3X sont susceptibles de revenir hanter son rêve. Ce n'est pas leur apparence qui la trouble, non ! Elle s'est habituée à leurs yeux rouges, à leur petite taille (environ un mètre deux) et aux saccades métalliques de leurs pas... Non, ce n'est pas cela qui lui fait peur. C'est qu'ils ont deux apparences. Une face métallique, là, rien d'anormal, le robot classique avec ses bras et jambes articulés et un buste d'acier avec une tête pivotante, mais tout se complique quand ils se retournent... car leur aspect change. Comme s'ils étaient en verre...
- Ah, ah ! se moque Ziou la première fois que Minoui évoque son rêve. Comment veux-tu qu'un robot soit en deux parties ?
- Oui, c'est vrai c'est bizarre mais mon rêve, il est comme ça. Et même que dans le côté verre, on voit les vis, les boulons et les ressorts qui les font tenir debout. Et puis, c'est ça qui me fait peur.
- Ah, ah...
Les ricanements de sa soeur aînée résonnent encore dans sa tête et finissent par la vexer.
Les W3X ne parlent pas comme tout le monde. Ils se disent des choses compliquées à base de chiffres, de signes de mains et de clignements d'yeux... En bref, Minoui a très peur que sa nuit soit envahie par cette nouvelle génération de métal...



Minoui a peur dans le noir de la nuit...

[...]