Les Editions de l'Avenue

Association culturelle littéraire

Râ conte l'Empire d'Égypte

Littérature jeunesse > ISBN : 978-2-9515735-5-0 / Mai 2005

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Le précieux bracelet

Le calme régnait dans la ville de Memphis. C'était une belle journée d'été qui se profilait à l'horizon avec un soleil dardant et un ciel exempt de nuage dans une atmosphère sereine.
Soudain des cris de nouveau-nés déchirèrent le silence. Non loin de là, naissaient deux jumeaux dans une jolie petite maison. On les prénomma Satipy et Sépa-Oumi. Leur mère rayonnait. Elle était rassurée parce qu'elle savait que le pharaon Ramsès II protègerait sa progéniture. Dans cette famille perdurait une tradition. De génération en génération, un bracelet précieux se transmettait à l'aîné des enfants. C'était donc Satipy, née en premier, qui en hériterait.
Quinze années s'écoulèrent tranquillement. Satipy était devenue une belle jeune fille d'un mètre cinquante. Mince et dotée d'une grande douceur, elle contrastait avec Sépa-Oumi qui était un garçon plutôt revêche et méprisant. Il jalousait sa soeur détentrice du bracelet. Ses grands yeux noirs trahissaient un sentiment d'amertume et un besoin de revanche.
Un jour, le père tomba malade. Il fit immédiatement venir sa fille.
- Ma Satipy, je vais mourir, lui confia-t-il d'une voix sourde. Écoute bien ce que je vais te dire. Ceci est mon plus grand secret...
Satipy, bouleversée, retint ses larmes pour prouver à son père qu'elle était courageuse. Il reprit avec solennité :
- Moi, Rahotep, je suis fils de Pharaon. C'est mon frère, Raôusir, qui m'a empoisonné. J'ai cru que je pourrais survivre, malheureusement ce n'est pas le cas. Va voir Ramsès et venge-moi avec le bracelet précieux. Fais-le pour moi.
Satipy était blême comme la mort. C'était comme si son corps s'était vidé de tout son sang. Elle traversa la pièce sur la pointe des pieds pour respecter l'ultime repos de son père. Elle se sentait accablée par le poids de ce terrible secret et par la mission qui lui incombait. Doucement, elle sortit de la pièce et ferma la porte derrière elle. Aucun mot ne put sortir de sa bouche.
Le soir tombait. L'astre roi se couchait et dans le Nil se réfléchissait son extrême beauté. La jeune fille, tout en rêvant un peu, pensa en son for intérieur :
- Le bracelet dont j'ai hérité est vraiment magnifique... Est-ce que mon père m'a dit la vérité ? Il est si malade ! Peut-être que son esprit divaguait et qu'il a perdu un peu la raison... Mais non, mon père n'est pas fou. Il dit sûrement vrai...
A force d'hésiter, de se remémorer une à une les paroles de son père et de revoir ses yeux profonds et sincères, elle arrêta son jugement. A présent elle en était sûre, tout ce qu'elle avait entendu était la vérité.
La soirée était déjà bien avancée quand Sépa-Oumi surgit dans sa chambre et commença à la taquiner. Elle vit comme toujours dans son regard de l'envie et une grande jalousie.
Elle ne prêta aucune attention à ses taquineries, il l'indifférait. Elle en avait assez de ce frère aussi perfide et entêté à l'image d'un scorpion.
A ce moment précis, sur un coup de tête, elle décida de partir pour Thèbes afin de venger son père. C'était sûr. Elle partirait dès l'aube, résolue à ne rien dire à sa famille.
Aux premières lueurs, elle se dirigea vers le port et découvrit, stupéfaite, une activité intense : de grosses embarcations arrivaient chargées de marchandises variées ; des petites barques se bousculaient pour vendre leurs poissons. Satipy chercha un bateau à destination de Thèbes.
Un capitaine l'accepta à son bord et elle s'installa dans l'unique cabine de papyrus tressé. Cette dernière n'était pas très meublée. Elle contenait un lit et un coffre en bois. Le voyage commença. Elle s'approcha du capitaine et lui demanda :
- Auriez-vous l'amabilité de m'indiquer la durée de notre voyage ?
- Nous arriverons à destination dans trois jours. Nous nous arrêterons à Antinoé et à Abydos, lui répondit-il avec autorité.
Satipy lui tourna le dos et se dirigea vers la proue pour admirer le paysage. Le roulis commença à faire son effet : sa position lui devint inconfortable et elle eut mal au coeur. Elle se sentit écoeurée par son environnement et préféra s'asseoir sur une petite chaise en bois loin des matelots.
Elle sentit que sa gorge était sèche et qu'elle avait soif. Elle chercha de l'eau potable sur le bateau quand l'un des matelots s'avança vers elle et lui tendit une gourde. Satipy le remercia, but et la lui rendit. Il refusa de la reprendre et lui dit de la garder.
Le capitaine vint vers elle et lui proposa de jouer au jeu des cinquante huit trous dans sa cabine. Ils jouèrent toute la journée et firent d'innombrables revanches car tous deux étaient de très bons joueurs. Les heures passèrent.
Le soir même, ils relâchèrent au port d'Antinoé. Il était tard, le bateau devait être réapprovisionné en vivres rapidement. Il repartirait avant l'aube. La jeune fille alla se coucher. Son ka était en paix lorsqu'un boomerang l'assomma.
Quand elle se réveilla, elle était dans un grand couloir noir ; l'air était lourd et presque irrespirable. Elle était loin d'imaginer qui elle allait rencontrer. Une flamme surgit et tout s'éclaira. Satipy découvrit, à quelques mètres d'elle, Sépa-Oumi et un mendiant. Ce dernier se nommait Kounoupou, était âgé d'une trentaine d'années et sa taille ne dépassait pas un mètre soixante. Son regard était à la fois réconfortant et mystérieux. Il arborait une barbe et ses cheveux noirs étaient ébouriffés. Malgré sa grande sagesse, il avait trahi Pharaon. En effet, en tant que scribe il avait été soudoyé par un paysan pour falsifier les comptes des moissons. Ayant été découvert, confondu, jugé puis mutilé de la main droite, il avait été condamné à s'enfuir. Depuis, pour apaiser sa solitude, il était toujours accompagné d'un cobra.
Il avait rencontré Sépa-Oumi dans une maison de bière. Il avait commandé de quoi boire, mais ne possédait pas de quoi payer. C'est alors que Sépa-Oumi était intervenu pour lui offrir sa boisson. Depuis lors, ils se rencontraient régulièrement.
Kounoupou se tenait à sa gauche, une grande torche flamboyante à la main. Ils se baissèrent tous deux vers Satipy et le jeune homme dit à sa soeur :
- J'ai été dur avec toi et je te prie de m'excuser.
- ...
- Mais maintenant ta présence ne me semble pas inutile. J'ai décidé de me joindre à toi pour venger notre père de son infâme frère, Râousir.
- ...
- Mon ami, Kounoupou, a accepté de venir m'aider. Il ne me manque plus que ta réponse.
La parole de Sépa-Oumi fut si implorante et prononcée avec tant de douceur, que Satipy resta muette quelques secondes. Elle fondit en larmes et se jeta dans les bras de son frère en lui disant :
- Je te pardonne pour tout ce que tu m'as fait. J'ai eu tort de me vanter avec mon bracelet. Je ne le ferai plus, je te le promets. J'accepte de me joindre à toi.
Lorsqu'elle fut calmée, Sépa-Oumi put enfin expliquer son plan pour venger leur père :
- Il faudra que l'un de nous trois se déguise en garde pour approcher ceux qui sont en faction à l'entrée du palais. Pendant ce temps-là, la deuxième personne se déguisera en servant, la troisième en prêtre. Ainsi, nous pourrons approcher sans difficulté Pharaon et lui expliquer qui nous sommes et quelles sont nos intentions. Qu'en pensez-vous ?

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