[...]
Du soldat Gennare au chef Wor,
le 9 janvier 1450
Cher chef Wor,
Je suis sur un drakkar au large de la Norvège et le voyage va être long pour rejoindre Saint Pétersbourg en Russie. Il faudra affronter l'océan glacial arctique et ses dures conditions météorologiques. Le moral de l'ensemble des soldats n'est pas au beau fixe. Il est à l'image de notre bateau : vacillant.
En effet, un de nos hommes, Henri, a mystérieusement disparu. Est-il tombé en mer au cours d'une manoeuvre périlleuse ? A-t-il été assassiné ? Lui voulait-on du mal ? Je ne vois aucune excuse possible face à une telle barbarie. C'était un brave homme, sans histoire, avec un bon état d'esprit.
Évoquer tout ceci avec vous, moi humble soldat et vous, commandant de toutes les armées, m'honore grandement. Je suis flatté que ces liens épistolaires durent depuis notre dernière expédition. Écrire me soulage du fardeau de cette inexplicable disparition.
Sans quoi, la nourriture à bord est correcte. Nous avons la force de ramer vingt heures par jour. Je me suis fait un ami, Arthur, qui attend avec impatience des nouvelles des siens. J'ai plus de chance que lui.
Vous devez vous diriger vers l'Angleterre. Racontez-moi vos impressions de voyage. Parlez-moi de vos hommes, de vos journées.
J'espère que la disparition d'Henri sera bientôt élucidée. Si on pouvait nous envoyer un spécialiste du genre enquêteur, ce serait formidable. Peut-être pourriez-vous vous renseigner ?
A bientôt le plaisir de vous lire.
Merci de tout ce que vous m'apportez.
Que le vent vous mène à bon port.
Que la chance nous accompagne tous.
Advienne que pourra.
Gennare
De Leïla à Linda,
le dimanche 23 novembre 2003
Chère Linda,
Aujourd'hui dimanche, tout est calme. Je n'ai plus de devoirs donc je t'écris.
J'ai regardé un DVD fantastique la semaine dernière avec ma soeur et mes parents. C'est l'histoire d'une amitié exceptionnelle entre un soldat, appelé Gennare, et son chef, Wor. Ce sont des vikings. Ils vont échanger des lettres pendant des années et vont enquêter sur la disparition troublante d'un certain Henri qui se serait noyé au large de la Scandinavie.
As-tu vu ce film ?
Je te le conseille vivement. L'unique problème est qu'il dure trois heures et pour qu'on ne se couche pas trop tard, mes parents ont interrompu le film une demi-heure avant la fin ! C'était horrible. Je ne sais même pas si Henri a été retrouvé mort ou vivant et ce que sont devenus le soldat et son chef !
En plus, il y a l'histoire de Gennare avec son meilleur ami Arthur, un superbe blond aux yeux verts. C'est la pire des choses à faire subir à ses enfants : les priver de la fin d'un film. Comme s'il manquait une cinquantaine de pages à un livre.
Si tu pouvais te procurer ce DVD, on pourrait le voir ensemble. Un mercredi par exemple ? Mais... je ne me souviens plus du titre. Ma parole, je suis amnésique. Figure-toi que c'est un collègue de travail qui a prêté le film à mon père et il a fallu lui rendre le lendemain. Même ma soeur était furieuse de ne pas avoir vu la fin.
Voilà pour les dernières nouvelles.
Réponds-moi vite.
Réserve un mercredi pour moi.
Ciao bella !
Ta Leïla
De Vortor à son frère Cherminator,
depuis Ocreville, au large de l'Antarctique
le 16 février 2257
Bonjour mon frère,
Ici la vie n'est pas la même qu'à Olina. Les gens ne parlent pas la même langue que nous, ils agitent la bouche dans tous les sens et ont des yeux de couleur. Nous qui avons besoin d'émetteurs et d'écrans, eux s'expriment librement, sans saisir leurs textes et dans n'importe quel lieu : dans les rues, dans leur bizarre moyen de transport à roues, ou dans des maisons moins bien équipées que nos soucoupes.
La vie en famille avec tous les VX5 me manque. Quelle idée d'être parti ainsi en expédition ! J'aurais préféré aller vers Pétaouchnoc ou bien, comme l'année dernière, sur Neptune.
On est tous regroupés sur la base de la zone 52. On se déplace deux par deux pour des raisons de sécurité. J'ai rencontré deux curieuses créatures avec de longs poils tirés en arrière sur la tête comme des crêtes d'oiseaux. Elles parlaient d'un film qu'elles voulaient revoir mais dont la fin avait disparu. Tu te rends compte à quoi les habitants d'Ocreville occupent leurs loisirs ?
Nous sommes ici pour quinze nuitées afin de les observer et noter leurs habitudes de vie. Après tout cela, vite, je retourne à Olina pour ne plus jamais en partir. On raconte aussi qu'un homme d'équipage a disparu non loin d'ici en 1450... un dénommé Henri. Imagine un peu : ils ne l'ont jamais retrouvé ! Pas même une vis ! Ni la plus petite trace de boulon...
Décidément le monde des hommes est bien différent du nôtre. J'ai payé 50 Vodollars et 29 Audailles pour manger une omelette de blé caramélisé. Pour la peine, j'ai été malade. Heureusement que sur la base, le médecin m'a injecté des ampoules d'huile vitaminée. Le lendemain, j'allais mieux.
Voilà mes impressions de cet autre monde. Donne-moi des nouvelles, n'oublie pas de sauvegarder tes messages et de réactiver l'anti-virus.
A vis et à vie, ton frère esseulé.
Vortor
[...]